Non, la mixité n’est pas la seule modification récente qui concerne l’éducation des enfants. Des changements ont aussi eu lieu dans la sphère privée. Auparavant, les petits enfants étaient élevés dans une relative indifférenciation avant leur entrée dans la vie publique. C’est-à-dire que filles et garçons portaient des robes et les cheveux longs (c’était le cas il y a encore un siècle) et jouaient avec des poupées (c’était vrai il y a trois siècles). Mais leurs destins étaient très clairement différenciés: on élevait les femmes pour qu’elles restent dans la sphère privée et soient de bonnes épouses et de bonnes mères tandis que les garçons allaient à l’école et étaient éduqués pour travailler et donc vivre dans la sphère publique. On mettait clairement les jeunes des deux sexes sur des rails différents.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans la situation inverse. Officiellement, puisque l’école est mixte, les jeunes suivent le même programme scolaire et ont donc la même formation. Ainsi, plus aucune filière professionnelle n’est réservée à un sexe, tous les métiers se sont ouverts à l’autre sexe. Cette ouverture officielle des destins est institutionnelle, dans le sens où elle est associée à des choix et des décisions politiques. Tandis que, dans la sphère familiale, dans le domaine privé, la socialisation des enfants est différenciée suivant leur sexe, et ce de plus en plus tôt.

Les chambres pour accueillir le nouveau-né sont décorées dans des couleurs différentes. Cet usage massif du rose du côté des petites filles se poursuit avec l’âge. Mais il ne s’agit pas que de couleur: les messages que renvoient les catalogues ou les magasins d’ameublement à travers la position de l’enfant dans la chambre, la disposition des meubles ou les accessoires présents sont ultra-sexués. Les habits qui sont proposés aux enfants, les jouets dont ils disposent, les sports vers lesquels on les oriente, tous ces éléments varient suivant que l’on est face à un garçon ou une fille. 

Ce passage d’une indifférenciation à une sexuation de plus en plus précoce s’explique par l’influence de la sphère commerciale. Sexuer les objets, les vêtements, cela revient à segmenter un marché et à vendre deux fois plus. Les décisions parentales, infléchies par les publicités et le marketing, télescopent ainsi les visées égalitaires des pouvoirs publics.

La question est donc de savoir comment renverser la tendance, car il est difficile pour le politique de voter des lois qui ont des influences sur la sphère intime, ici l’éducation des enfants, leur habillement, les jouets qu’on leur offre… Une solution semble être d’informer les gens, de leur faire prendre conscience que cette sexuation repose sur une volonté marketing et a un fondement commercial. Il est aussi possible de mener des actions auprès des enfants, qui sont très réceptifs et s’aperçoivent parfois plus vite que les adultes que les représentations dans les catalogues de jouets par exemple sont loin d’être égalitaires.