Effectivement, de nos jours, les vêtements, même pour bébés, sont tellement différents selon le sexe que l’on a tendance à penser que ça a toujours été le cas. Mais le vestiaire de l’enfant a longtemps été unisexe.
Pendant des siècles, les bébés, filles ou garçons, étaient emmaillotés. C’est-à-dire qu’ils étaient enroulés dans des bandelettes de coton qui leur servaient de vêtements. Cet habillement avait un caractère utilitaire en termes de surveillance, puisque les mouvements de l’enfant étaient limités et qu’il ne rampait pas dans tous les coins.
Lorsque le bébé grandissait, on l’habillait avec une robe. La robe n’était donc pas un vêtement féminin mais bien un habit universel, qui avait aussi un aspect pratique: le jeune enfant faisait ses besoins sur le sol de la fermette et il ne restait plus qu’à balayer.
Du XVIIe à la fin de la Première Guerre mondiale, filles et garçons étaient habillés et coiffés de la même façon dans leurs premières années de vie: ils portaient la robe jusqu’à leur entrée dans la vie publique, c’est-à-dire dans le monde scolaire. À l’époque, difficile de faire la différence entre les filles et les garçons, d’autant qu’ils portaient tous, en plus de ce vêtement unisexe, de gros godillots et les cheveux longs. Ainsi, on a pendant longtemps vu filles et garçons porter le même costume marin.
C’est vers l’âge de 6 ans que la catégorie sexe commençait à transparaître sur le vêtement, par le biais de rubans de couleurs puis par l’adoption du pantalon par les garçons et des culottes bouffantes sous la robe pour les filles. Mais l’habit restait avant tout un marqueur de classe sociale plus que de différenciation entre les sexes, comme c’est le cas à l’heure actuelle.
En effet, sur les photos de classe du début du XXe siècle, les vêtements nous renseignent plus sur les quartiers où habitent les enfants que sur leur sexe: comme leurs parents, les garçons des quartiers huppés sont en costumes, les enfants des classes défavorisées en tablier. Car il n’existait pas de vêtements spécifiques pour les enfants comme c’est le cas de nos jours: ils portaient les mêmes habits que ceux destinés aux adultes mais miniaturisés!
Ce n’est que progressivement que s’est créé un vestiaire propre à l’enfance, grâce aux évolutions technologiques permettant la production de vêtements moins rigides que les enfants pouvaient enfiler plus facilement: tricot, tissu synthétique plus souple et non plus tissé, stretch; système de fermeture plus pratique avec l’apparition du scratch, de la fermeture Éclair, en remplacement de l’épingle de nourrice.
Au début du XXe siècle, apparaît ainsi la barboteuse, sorte de robe raccourcie accompagnée d’une culotte, soit un vêtement bouffant que l’on peut donc ouvrir à l’entrejambe pour changer les couches. Cet habit reste unisexe. Viendra ensuite, dans les années 1950, la grenouillère, portée elle aussi indistinctement par les enfants des deux sexes. Quant aux plus grands, jusqu’aux années 1920, ils se mettent au lit dans une chemise de nuit avant que filles et garçons adoptent tous les deux le pyjama.
Bien qu’unisexe, la création d’un vestiaire spécifique au très jeune enfant s’inspire majoritairement du vestiaire adulte masculin, à l’exception du body, qui est une adaptation du justaucorps de sport utilisé par les femmes. Ainsi, le vestiaire enfantin emprunte des éléments soit au monde du sport et du training (pantalon en stretch, avec un élastique à la taille et à la cheville), soit au monde ouvrier (salopette), soit au monde de l’armée, par essence masculin (les pantalons fermés en haut et en bas par un élastique avec de nombreuses poches sont directement influencés par les treillis militaires).
Au fil des années, on remarque que, si les enfants des deux sexes portent des pulls, des pantalons ou jeans et des baskets, leurs vêtements ne sont plus du tout unisexes, mais plutôt sursexués. Aujourd’hui, à l’exception de certains vêtements haut de gamme qui continuent de miniaturiser les costumes de l’adulte, les couleurs et les matières utilisées nous éclairent sur le sexe de l’enfant plus que sur leur appartenance à une classe sociale. Quand on voit un bébé en robe sur une photo, pas de doute, c’est une fille! Et si jamais l’enfant porte une salopette, le rose vif donnera un solide indice sur son sexe.