C'est vrai. Les cou­leurs ba­siques des Lego ont ainsi été rem­pla­cées: le rose pâle s’est ajouté au vert, jaune, blanc et rouge. Si au­pa­ra­vant les Lego étaient uni­sexes, ils sont petit à petit de­ve­nus plu­tôt mas­cu­lins dans leurs thé­ma­tiques et pa­cka­ging. Et main­te­nant, ils ciblent clai­re­ment de ma­nière dis­tincte les filles et les gar­çons en pro­po­sant des thé­ma­tiques bi­naires: aux filles, les Lego prin­cesses, aux cou­leurs roses, aux gar­çons, ceux pour jouer à la guerre, aux cow-boys et aux In­diens ou les construc­tions na­vales. Il existe donc deux gammes de Lego: ceux pour les filles et ceux pour les gar­çons.

Et il ne s’agit pas que de cou­leurs dif­fé­rentes. Les boîtes qui pro­posent des thèmes éti­que­tés fé­mi­nins, comme le camp d'équi­ta­tion, le café ou la villa, sont com­po­sées de pièces plus fa­ciles à as­sem­bler que le châ­teau du vam­pire, le QG de dé­fense contre les di­no­saures ou les en­gins vo­lants de l’uni­vers Star Wars. Jouer avec les briques et les em­pi­ler ne per­met donc pas au­tant aux filles qu'aux gar­çons d'uti­li­ser l'es­pace en trois di­men­sions et de dé­ve­lop­per des com­pé­tences tech­niques et spa­tiales.

Ce phé­no­mène de sur­sexua­tion des jouets ne fait que suivre une stra­té­gie mar­ke­ting. C’est pour cela qu’il s’am­pli­fie à tous les ni­veaux. La dif­fé­ren­cia­tion des jouets est ainsi de plus en plus fré­quente dès la nais­sance. Les jouets d’éveil, au­pa­ra­vant neutres, sont de plus en plus sexués: la cou­ver­ture pour bébé, le por­tique d’ac­ti­vité au­ront des mo­tifs d’ani­maux pour les gar­çons et se­ront rose bon­bon pour les filles. Aux cou­leurs neutres a suc­cédé une seg­men­ta­tion selon le sexe. Pour sus­ci­ter l’en­vie d’ache­ter la der­nière ver­sion en date de jouets jus­qu’alors in­usables et qui se trans­met­taient de gé­né­ra­tion en gé­né­ra­tion, les en­seignes com­mer­ciales ont dé­cidé de frag­men­ter le mar­ché des jeux. Plus pos­sible de pas­ser le jeu d’un pa­rent à son en­fant mais aussi d’un aîné à son cadet: il faut main­te­nant à tout prix en ache­ter un nou­veau pour la pe­tite fille et en­core un autre pour son frère, sur­tout quand ils sont des­ti­nés à une ca­té­go­rie d’âge où la cou­leur fait le sexe pour l'en­fant. Il en va de même pour les jeux de so­ciété: à côté du Mo­no­poly Tra­der, on trouve la ver­sion Mo­no­poly Bou­tique, dans une boîte re­loo­kée en­tiè­re­ment en rose.

Ainsi, les rôles dé­vo­lus aux hommes et aux femmes sont-ils dé­ter­mi­nés dès l’en­trée dans un ma­ga­sin de jouets ou en feuille­tant les pages d’un ca­ta­logue. Car même la mise en scène des jouets sup­po­sés neutres varie selon le sexe. La preuve par les pe­luches: côté filles, on re­trou­vera des bébés ani­maux ou des ani­maux do­mes­tiques; côté gar­çons, ce se­ront des ani­maux adultes, sau­vages ou des dra­gons et di­no­saures, im­po­sants par leur taille et leur force.

Idem pour les jouets de plein air: dès qu’un jouet évo­quera l'ac­tion ou la tech­nique comme un vélo ou un trac­teur, ce sera un gar­çon qui le conduira, la fille sa­ge­ment as­sise der­rière lui ou le re­gar­dant à côté; quant aux pe­tites mai­sons en plas­tique de jar­din, le gar­çon jouera de­vant, à l’ex­té­rieur, tan­dis que la fille sera à l’in­té­rieur, ou­vrant la porte ou der­rière la fe­nêtre.