C’est vrai que l’attitude des parents varie suivant qu’ils ont un garçon ou une fille, même s'ils pensent s’investir de la même manière quel que soit le sexe de leur enfant. Au-delà des représentations (suivant lesquelles les petites filles sont tranquilles et les petits garçons turbulents), les bébés ne sont pas accueillis de la même façon en fonction de leur sexe.
Dans les faits, les chambres d’enfant ne sont pas de la même couleur. On trouvera du papier peint crème ou rose pour les filles, tandis que les garçons dormiront et joueront dans un environnement bleu et vert. Il en ira de même pour les frises, les objets et même les meubles d’enfants: une chambre de fille renverra à l’univers des personnages de fiction ou à la poupée, tandis que chez les garçons l’univers sportif sera davantage mis en avant (ballon, petites voitures).
Dès la première année, on retrouve une opposition jouets symboliques pour les filles et jouets actifs pour les garçons, soit des jouets stéréotypés, et ce avant même que les enfants puissent exprimer leur préférence. Il faut aussi noter que les filles seront maintenues plus longtemps dans cet univers enfantin.
Les parents n’habillent pas non plus les enfants de la même manière. Et, s’ils encouragent l’indépendance et l’autonomie chez les garçons, notamment en les poussant à terminer les jeux de construction, leurs remarques tiendront davantage du soutien pour leurs filles. On apprend aux uns à se débrouiller seuls, on persiste à aider les autres pas à pas. On le constate aussi lorsque les parents emmènent leurs enfants au parc: la distance parents-enfants sera plus faible pour les filles (ce qu’on retrouvera à l’adolescence, le garçon étant autorisé à sortir plus tard que la fille, les parents ayant peur que leur fille soit agressée).
Cette différence de comportement n’est pas volontaire: elle est inconsciente. Ce sont les représentations du masculin et du féminin qui poussent les parents à agir de la sorte, à inciter leurs enfants à se conformer au rôle dévolu à leur sexe et à décourager toute activité du sexe opposé. C’est d’ailleurs plus marqué pour les garçons que pour les filles, car il est socialement plus mal vu pour un garçon de «faire des trucs de fille». Cette incitation est également plus poussée chez le père que chez la mère et est plus accusée dans les familles avec un niveau socio-économique plus faible, où la répartition des tâches selon les sexes est plus traditionnelle.
L’attitude différenciée des parents n’est pas sans effet sur le bébé: dès quelques mois, les filles et les garçons vont adopter des comportements différents. On le constate à la façon dont ils expriment leurs émotions dès l’âge de 12 mois. Et lorsque, entre 12 et 18 mois, l’enfant va manifester une préférence pour les jouets étiquetés de son sexe.
Vers l’âge de 2 ans, le comportement discriminant des parents s’estompe, mais s’ils deviennent moins insistants sur le maintien des différences entre les sexes, c’est la société dans son ensemble qui prend le relais. À travers les comportements de leurs camarades ou des adultes encadrants à la garderie ou à l’école maternelle, les ouvrages illustrés ou les dessins animés, les représentations collectives dicteront à l’enfant ce qu’il doit faire s’il est une fille ou un garçon.