C'est faux. Dans nos sociétés occidentales, les adultes – parents, éducateurs à la crèche, membres du corps enseignant, éducateurs sportifs, etc. – sont convaincus d’agir de manière similaire face aux filles et aux garçons. Ils n’en sont pas conscients, mais c’est loin d’être le cas: même face aux bébés qui sont dans leur première année de vie, les adultes ont des attentes différentes suivant le sexe de l’enfant.

Une recherche montre bien que les réactions des adultes diffèrent en fonction du sexe de l’enfant. L’expérience consiste à montrer à un public d’adultes une vidéo d’un bébé âgé d’environ 9 mois, assis dans un fauteuil pour enfant, vêtu de manière neutre. Aucun signe distinctif vestimentaire ne permet de savoir s’il s’agit d’un petit garçon ou d’une petite fille. À côté de lui, se trouve une boîte dont sort d’un seul coup un diable monté sur ressort. La réaction du bébé est de se mettre à pleurer.

On demande alors aux adultes d’expliquer pourquoi le bébé pleure. Ceux à qui il a été dit qu’il s’agit d’une fille répondent qu’elle a eu peur. Alors que ceux à qui il a été dit que le bébé est un garçon répondent qu’il est en colère. Pourtant, il s’agit exactement du même enfant. C’est bien la preuve que les adultes projettent des émotions différentes sur un enfant selon la connaissance qu’ils ont de son sexe.

Une autre recherche marquante a été menée à propos de nouveau-nés de moins de 24 heures sur une population de parents dont il s’agit du premier enfant. L’expérience concerne donc plusieurs bébés, mais ils ont tous approximativement la même taille et le même poids. Il a été demandé aux parents de dépeindre leur enfant et leurs descriptions n’ont pas manqué d’être très stéréotypées. Ceux dont le bébé est un garçon utilisent les termes grand, costaud et fort. Ceux qui viennent d’avoir une fille l’ont dépeinte comme petite, mignonne et fragile.

Le test a été répliqué sur une population d’individus du même âge mais qui n’avaient pas encore eu d’enfants (donc de «non-parents»). Les résultats ont été moins marqués en termes sexués. Cela signifie que les parents, sans en avoir conscience, perçoivent leur enfant à travers des stéréotypes de genre très prononcés.

Autre exemple. Un bébé de 9 mois habillé soit avec des vêtements «de fille», soit avec des habits «de garçon», se trouve dans une salle remplie de jouets. On donne la consigne à des adultes de le distraire en utilisant les jouets éparpillés dans la salle. Alors qu’il s’agit du même enfant, les adultes n’utilisent pas les mêmes jouets suivant qu’il est habillé comme une fille ou comme un garçon. Si c’est un petit garçon qu’ils croient avoir en face d’eux, ils vont lui apporter des jeux de construction, un anneau en plastique. S’ils pensent que c’est une fille, alors ils lui donnent une poupée. Cela signifie clairement que peu importent les réactions et les préférences de l’enfant: les adultes choisissent les jeux en fonction de son sexe.

Dernier exemple: dans une ludothèque, un petit garçon cherche à emprunter un poupon; sa mère, sans répondre par la négative, lui propose un camion. «Tu ne voudrais pas emprunter plutôt ce jouet-là?» Elle le décourage ainsi de manière détournée. Et c’est justement parce qu’il s’agit rarement d’une interdiction formelle que les adultes n’ont pas conscience qu’ils incitent leurs enfants à se tourner vers des jouets à étiquette sexuée.

Le problème, c’est qu’en projetant des attentes différentes selon le sexe de l’enfant, les adultes dans son entourage vont en quelque sorte le transformer en ce qu’ils attendent inconsciemment de lui. Ces attentes vont devenir réalité, comme si une prophétie se réalisait: l’enfant va rapidement intérioriser ce que l’on attend de lui et ses préférences deviendront celles que l’on attribue communément à son sexe. C’est ainsi que, subtilement, les filles vont intégrer qu’elles doivent être plus branchées par l’esthétique que les garçons. Ainsi, même si c’est un concept prégnant dans nos sociétés, l’égalité des chances entre filles et garçons n’est pas réellement atteinte.