Les programmes incitatifs mis sur pied dans les années 1990 avaient pour objectif de pousser les jeunes filles à s’investir davantage dans les carrières scientifiques. Ils débouchaient d’un double constat.

D’une part, les métiers étiquetés masculins parmi lesquels les adolescents faisaient leur choix étaient plus nombreux que ceux perçus comme féminins; les choix d’orientation des jeunes adolescentes étaient donc plus restreints.

D’autre part, ces professions perçues comme masculines permettaient davantage d’opportunités de progression de carrière, notamment par le biais de la formation continue. Ainsi, un électricien peut obtenir, en cours de carrière, un diplôme d’ingénieur électricien. Ce qui n’était pas le cas pour les professions étiquetées comme féminines: aucune passerelle ne permet par exemple de passer d’assistante médicale à médecin. Sans compter qu’à cette époque les professions masculines étaient mieux rémunérées et moins touchées par le chômage.

L’objectif de ces programmes était donc d’ouvrir davantage de débouchés professionnels aux jeunes filles, en les incitant à opter pour des carrières scientifiques. Cependant, le succès a été plus que mitigé. Mais cela ne signifie pas que les carrières scientifiques n’intéresseront jamais le sexe féminin. Si ces programmes ont manqué leur objectif, c’est tout simplement parce qu’ils s’adressaient à des adolescents de plus de 16 ans, en pleine phase de rigidité face aux codes sexués. Or, à cet âge-là, les jeunes vont statistiquement se tourner vers les professions qui correspondent à leur sexe.

Il aurait été plus efficace d’intervenir entre 7 et 12 ans, à un stade où l’enfant a terminé la construction de son identité sexuée et est plus flexible face aux codes sexués. Cette méthode produit ses effets et finit par booster des choix de carrière qui auraient sans cela paru inconcevables. C’est ainsi que les collections de livres pour enfant Grand galop ou Léa passion vétérinaire ainsi que des magazines centrés sur le monde équestre ont amené, en s’adressant spécifiquement aux jeunes filles, à une féminisation certaine de la profession de vétérinaire. En présentant de manière valorisante le monde de l’équitation et le métier de vétérinaire, cette spécialité n’a plus été perçue par les filles comme un bastion masculin.

Si ces programmes incitatifs ont aussi échoué à entraîner les jeunes filles vers des filières scientifiques, c’est aussi parce que leur aspect affirmative action a été mal perçu par les parents et les professeurs. Ceux-ci étaient convaincus de proposer, dans le cadre familial ou scolaire, les mêmes opportunités aux jeunes enfants, quel que soit leur sexe, et avaient donc du mal à admettre que soit remis en question l’égalitarisme de leur éducation. Ils n’acceptaient pas non plus que ce type de programmes ne touche qu’un seul sexe, sous-entendant une hiérarchie de valeurs (les filles devant investir les professions masculines, mais les garçons ne devant pas «s’abaisser» à exercer les métiers féminins).

Ainsi, l’échec relatif de ces programmes ne sous-entend pas que les professions scientifiques sont moins exercées par des femmes parce qu’elles s’en désintéressent quoi que l’on fasse. Pour éviter d’aboutir à une sexuation genrée du monde du travail, il faut continuer de faire en sorte que les jeunes fassent leurs choix d’orientation scolaire en fonction de leurs intérêts propres et non en se calquant sur les codes sexués. Or, pour cela, il faut s’employer, dès l’âge de 7 ans, à déconstruire les préjugés et montrer aux jeunes enfants que des modèles diversifiés existent et que, garçon ou fille, toutes les professions sont à leur portée.