Ces réactions ne sont pas étonnantes. Lors de la puberté, le corps subit des transformations: arrivée de la pilosité et accroissement de la musculature côté garçons, développement des hanches, de la poitrine, augmentation de la masse graisseuse et apparition des règles côté filles. Ces transformations physiques, auxquelles s’ajoute la construction de l’identité sexuelle, vont psychologiquement marquer les jeunes adolescents.

Face à ces bouleversements, ils vont se raccrocher à quelque chose de permanent: les codes qui sont attachés à leur sexe. C’est en cela que l’adolescence est une nouvelle phase de rigidité par rapport au respect des codes sexués. Ainsi, si les adolescents s’opposent au monde adulte et aux codes de leurs parents (aux États-Unis, les jeunes se détournent par exemple de l’iPhone, qu’ils identifient comme le téléphone des parents et donc comme un objet ringard), ainsi qu’à ceux des plus jeunes qu’eux, ils seront très conformistes dans le domaine des codes sexués.

Or c’est à cette époque que les jeunes doivent faire des choix qui détermineront leur orientation scolaire et professionnelle. En raison de ce conformisme aux codes sexués, rares sont les adolescents «pionniers», c’est-à-dire se dirigeant vers une activité professionnelle statistiquement exercée par le sexe opposé.

Cette rigidité sexuée n’est pas toujours consciente. Mais elle est plus souvent externalisée et verbalisée par des insultes homophobes du côté des adolescents masculins. Un jeune qui avoue vouloir devenir coiffeur ou éducateur de jeunes enfants sera raillé par ses camarades. «Si tu veux faire ça, c’est que t’es pédé!» s’entendra-t-il dire. Il lui sera d’autant plus difficile d’affirmer ses choix non conformes aux étiquettes garçon-fille que ses condisciples associent cet écart à une éventuelle homosexualité.

Du côté des filles, lorsque l’une d’elles choisit un métier exercé en majorité par des hommes, elle risque plutôt d’être mal acceptée par ses collègues masculins. Et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de professions peu valorisées socialement et où la virilité des travailleurs est une condition d’entrée. Ainsi, l’arrivée de femmes est vue comme une attaque à la virilité de ce métier, qui dénigre toute spécificité à ceux qui l’exercent.

C’est pour cela qu’il est difficile pour les jeunes d’oser affirmer leurs choix de carrière professionnelle et que la majorité se conformeront aux codes sexués en vigueur. Au final, les changements d’orientation professionnelle en cours de carrière peuvent en partie s’expliquer par le fait que, jeunes, ces personnes avaient en vue un autre avenir professionnel mais qu’elles n’ont pas osé l’exprimer à l’adolescence.