Pour dé­mê­ler les in­fluences du bio­lo­gique et du so­cial, des études ont com­paré les com­por­te­ments des nour­ris­sons filles et gar­çons dans les tout pre­miers mois de la vie. L’idée étant que, s’il existe dès la nais­sance des ap­ti­tudes dif­fé­rentes selon le sexe, c’est que ces dif­fé­rences sont in­nées. Et, s’il n’en existe pas au tout début mais que des dis­pa­ri­tés ap­pa­raissent après coup, c’est qu’elles sont pro­vo­quées par l’en­vi­ron­ne­ment. Et ce d’au­tant plus que, dès les pre­miers jours, les bébés filles et gar­çons ne sont pas per­çus ni trai­tés de la même façon par les adultes, ce qui va en­gen­drer des dif­fé­rences de com­por­te­ments avant même la fin de la pre­mière année de leur exis­tence.

À la nais­sance, on ne peut le nier, il existe des dif­fé­rences phy­siques entre filles et gar­çons. Par exemple, les se­conds sont en moyenne plus grands et pèsent plus lourd que les pre­mières. Les gar­çons sont aussi plus vul­né­rables, dans le sens où, sta­tis­ti­que­ment, ils sont da­van­tage at­teints d’otite, d’asthme, d’in­fes­tions res­pi­ra­toires ou gas­tro-in­tes­ti­nales. En termes de ma­tu­ra­tion du sque­lette ou du cer­veau, les nour­ris­sons filles semblent avoir un mois d’avance sur les gar­çons. Ce dé­ve­lop­pe­ment phy­sique non achevé des gar­çons à la nais­sance pour­rait d’ailleurs ex­pli­quer leur plus grande fra­gi­lité face aux ma­la­dies et in­fec­tions.

En termes de ca­pa­ci­tés sen­so­rielles, il n’existe au­cune dif­fé­rence en ce qui concerne le sens tac­tile, la per­cep­tion de la dou­leur, la vi­sion ou l’au­di­tion. En re­vanche, il est pos­sible que les bébés gar­çons aient un odo­rat plus sen­sible que celui des filles. Si l’on se penche sur les ca­pa­ci­tés mo­trices, de très faibles dif­fé­rences ont été consta­tées entre filles et gar­çons: un bébé gar­çon sera plus ca­pable de lever la tête lors­qu’il est cou­ché sur le ventre, de bou­ger les doigts dans un but pré­cis et plus tard de ram­per et de mar­cher.

Le ni­veau d’ac­ti­vi­tés des gar­çons semble plus élevé que le degré d’ac­ti­vi­tés des filles et cet écart s’ac­croît au fil des mois. Il est pos­sible que cette dif­fé­rence soit due à la façon dont les en­fants sont édu­qués. En effet, les pa­rents ac­cordent da­van­tage d’im­por­tance au dé­ve­lop­pe­ment des ca­pa­ci­tés phy­siques de leur en­fant lors­qu’il s’agit d’un gar­çon.

Des re­cherches ont ainsi mis en évi­dence que les mères sous-es­ti­maient les ca­pa­ci­tés phy­siques de leurs filles. Des bébés ont été po­si­tion­nés face à un plan in­cliné et les cher­cheurs ont re­gardé à par­tir de quel angle de la pente le bébé al­lait en­ta­mer la des­cente. Cette ex­pé­rience a été menée sans l’in­ter­ven­tion des pa­rents, puis la si­tua­tion a été re­pro­duite en pré­sence de la mère de l’en­fant. Il était de­mandé aux mères si elles pen­saient que leur en­fant était ca­pable de des­cendre le plan in­cliné. Il s’avère que les mères ré­pon­daient plus sou­vent par la né­ga­tive lorsque le bébé était une fille, et ce alors que, en leur ab­sence, l’en­fant avait sans pro­blème avancé à quatre pattes sur la pente en ques­tion.

En ce qui concerne les ca­pa­ci­tés lan­ga­gières, on constate une très lé­gère avance chez les filles, qui parlent plus tôt et dé­tiennent avec un mois d’avance sur les gar­çons un vo­ca­bu­laire d’une cin­quan­taine de mots. Vers 2 ans, le vo­cable des filles contient da­van­tage de mots, mais ces va­ria­tions sont de l’ordre de 1 ou 2% et sont très té­nues. En outre, ces ques­tions de pra­tique du lan­gage s’ob­servent non plus chez le nou­veau-né mais chez le jeune en­fant. Or la maî­trise du lan­gage dé­pend plus de l’en­vi­ron­ne­ment dans le­quel l’en­fant évo­lue, du fait qu’on lui parle ou pas, que de son sexe.

Quant à la so­cia­bi­lité ou à l’ac­ti­vité de l’en­fant, l’idée reçue que les filles sont at­ti­rés par le so­cial et les gar­çons par les ac­ti­vi­tés n’est pas va­li­dée par les re­cherches en double aveugle qui ont été me­nées. Face à des mo­biles où les élé­ments en mou­ve­ment sont des vi­sages (pein­ture, des­sin, photo) ou des formes géo­mé­triques (balle ou cloche), les nour­ris­sons ré­agissent de la même façon, quel que soit leur sexe. C’est-à-dire qu’en termes de mil­li­se­condes les bébés filles ne se tournent pas plus vers les vi­sages et les gar­çons vers ce qui res­semble à des jouets.

En re­vanche, il a été vé­ri­fié par cer­taines re­cherches que les bébés gar­çons sont plus émo­tifs et plus ir­ri­tables que les bébés filles: ils sont plus dif­fi­ciles à cal­mer, pleurent et gri­macent da­van­tage, ont le som­meil plus ir­ré­gu­lier. Mais ces études n’ont pas été me­nées en double aveugle, ce qui peut in­duire un biais dans les ré­sul­tats. En outre, les dif­fé­rences consta­tées s’am­pli­fient pen­dant la pre­mière année de vie, ce qui tend à dé­mon­trer que cet écart entre filles et gar­çons est da­van­tage dû aux dif­fé­rences de so­cia­li­sa­tion qu’à la gé­né­tique.

En règle gé­né­rale, il n’y a donc pas grand-chose qui sé­pare filles et gar­çons à la nais­sance. L’am­pli­fi­ca­tion de ces at­ti­tudes dif­fé­ren­ciées au cours du temps ap­puie la thèse de la pré­do­mi­nance de l’en­vi­ron­ne­ment et du so­cial sur l’inné dans les dif­fé­rences entre les sexes.